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11 novembre 2022

Sommes-nous dignes de leur sacrifice ?

Anne-Sophie CHAZAUD

Il m’est devenu douloureux, je dois l’avouer, d’assister aux commémorations du sacrifice glorieux de nos aïeux morts ou blessés pour la France.

Non pas que cela fût autrefois un moment de joie, non, mais il y avait, dans la profondeur bouleversante du sacrifice dont nous étions collectivement les héritiers, une grande et grave fierté. Dans tous nos villages de France, il y avait une mairie, une église et un monument aux morts, chacun de ces édifices ayant un sens vivant, non résiduel. Le monument aux morts, lui, était souvent réutilisé pour la guerre suivante que nous avait une nouvelle fois livrée l’Allemagne, et sur lequel nous regardions avec émotion ces longues listes égrenant les noms de tous ces hommes, nos aïeux, qui n’étaient pas revenus et avaient défendu au prix de leur vie, leur peuple et leur patrie, c’est-à-dire nous, pour l’amour sacré de celle-là et de ses habitants.

Depuis quelques temps donc je ressens au contraire de la tristesse, de la honte et un sentiment d’accablement au souvenir de nos morts glorieux. Je ressens aussi une immense colère contre tous ceux qui, héritiers de ce sang coulé et enfants gâtés d’un sacrifice qu’ils ne méritent pas, ont instillé la dégradation, le mépris, la déconstruction voire la haine de ce qui leur a permis de vivre si confortablement dans les délices frelatés et oisifs du reniement.

Voir la Macronie rendre hommage, par obligation républicaine, à ce sacrifice, tant le 11 novembre pour nos si chers poilus, que le 8 mai ou encore lors des célébrations marquant par exemple l’appel du 18 juin m’est donc devenu insupportable. J’avais bien sûr eu la nausée devant les profanations et autres danses grotesques à travers les tombes de Verdun, sous Hollande, mais j'éprouve avec la Macronie un sentiment de dégoût encore plus grand. Il ne s’agit plus seulement de farce destinée à la société du spectacle mais aussi d’une sorte d’insupportable usurpation de la part des fossoyeurs de ce pour quoi ce sacrifice suprême fut consenti.

La France livrée à la prédation, son patrimoine vendu à la découpe, livré constamment aux copains oligarques et aux intérêts étrangers (comme le démontre par exemple la gestion calamiteuse de l’affaire fratricide russo-ukrainienne et l’immense fiasco économique au bénéfice des Etats-Unis que cette ingérence représente pour le peuple français), les intérêts nationaux bradés au nom d’une Union européenne qui ne protège de rien mais qui accable et soumet les peuples, les contraignant à accepter jour après jour leurs propre rabaissement et abandons multiples de souveraineté.

Le peuple français quant à lui matraqué comme ce fut le cas dans la plaie béante que fut la répression du mouvement populaire des Gilets Jaunes, infantilisé, soumis par la force si nécessaire...

Tandis que nous célébrons les morts pour la France et l'Armistice de 1918, une partie de la gauche, la gauche sociétale, urbaine et petite-bourgeoise, celle qui pleurniche et déboulonne, n’a rien de plus intéressant à faire quant à elle depuis hier soir que de couiner en raison du spectacle affligeant donné par deux bouffons de la télé-poubelle, l’un présentateur (Cyril Hanouna), l’autre, ex-dealer devenu député par inadvertance (Louis Boyard). Cette même gauche qui affichait ostensiblement quelques heures plus tôt son refus de porter le bleuet de France au revers de vêtements par ailleurs débraillés dans une volonté constante de déconstruire toute forme de symbolique dans l’ordre de la « décence commune ».

Autant que la Macronie ou qu’une partie de la droite prompte à brader nos intérêts et toujours prête à trahir le peuple quand cela fait ses affaires, cette gauche-là est indigne du sacrifice consenti par nos aïeux et l’on aura par conséquent bien du mal à se joindre en ce jour de commémoration à ses pleurnicheries : lorsqu’on fait de la politique-poubelle, qu’on va l’afficher dans la télé-poubelle, on ne mérite dans le fond pas grand-chose d’autre que d’y retourner, dans celles de l’Histoire dont on n’aurait jamais dû sortir. Et combien, en attendant, il est douloureux de voir des édiles dont le haut fait d’armes consiste à militer pour des cours de récréation non genrées ou quelque improbable écriture inclusive débilitante, célébrer des morts pour la patrie (la matrie ?) à la cheville desquels ils n’arrivent pas et dont ils souillent à chaque instant le souvenir… Il est amusant d’ailleurs de constater que ceux-ci, obligés pour des raisons protocolaires de célébrer le 11 novembre, transformeront souvent ceci en tribune pacifiste sur les méfaits de la guerre, tout en étant les plus vaillants bellicistes de salon dans l’affaire russo-ukrainienne. Comprenne qui pourra.

Lorsque l’État, quant à lui, livre le peuple à l’insécurité, à l’ensauvagement, à la barbarie du quotidien, à une justice déficiente voire traîtresse, lorsque ce peuple est honteusement privé du droit imprescriptible de décider souverainement des conditions et proportions dans lesquelles il peut supporter de massives arrivées sur son propre territoire sans y avoir explicitement consenti, sommes-nous alors dignes de nos aïeux ?

Alors bien sûr il y a les héros, il y a nos soldats qui, au milieu d’un monde décervelé en voie d’effondrement moral, assurent leur mission et s’engagent avec la possibilité toujours consciente du sacrifice. Il y aussi les Arnaud Beltrame, les Samuel Paty, tous ceux qui, militaires ou civils, se battent à leur manière et parfois le paient du prix du sang, contre la lâcheté et la soumission et pour la dignité du peuple français.

Ce n’est pourtant pas un jour par an mais tous les jours, que nous devrions nous poser cette lancinante question : sommes-nous, individuellement et collectivement, dignes d’eux, qui nous regardent du fond de leurs tranchées et de leur sacrifice ? Pour l’instant, la réponse est non.