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24 mai 2023

Radu Portocala

Élisabeth Lévy a publié hier une lettre dans laquelle elle annonce que « Causeur » a été puni par les régies publicitaires qui ne lui donnent plus des réclames pour son site, d’où un grave déséquilibre financier.
Cela m’a rappelé que l’« Événement du jeudi » de Jean-François Kahn a subi le même sort pendant la guerre en Yougoslavie. Il avait publié des articles qui allaient à l’encontre de la politique officielle (celle des États-Unis), donc on lui enlevait une partie des moyens de subsistance.
À force de franchir les limites de plus en plus étroites de la pensée autorisée – ce qui est tout à son honneur –, « Causeur » a fini par provoquer l’ire d’un organisme (d’origine américaine) qui s’appelle « Sleeping Giants » et dont l’objectif « est la lutte contre le financement des discours de haine » (Wikipedia). En somme, ses militants exercent une « pression morale » sur les annonceurs, les menant à se plier aux injonctions de l’idéologie dite « woke ». Pour eux, « Causeur » est un journal « toxique, « nauséabond », « abject », pratiquant une « ligne éditoriale ignoble ». Un journal, donc, qui doit disparaître.
Chercher à étouffer de la sorte les médias qui ne se soumettent pas aux oukases de la pensée correcte, à ses règles imbéciles, est une censure privée contre laquelle les États devraient s’insurger et agir, mais contre laquelle les États ne font rien. Ils la tolèrent, ils s’y plient. Comme des milliers d’entreprises qui adhèrent aux diktats de cette révolution et qui, honteusement apeurées, suivent ses recommandations.
Certes, la réponse idéale serait le boycott des sociétés qui boycottent, de ces sociétés qui, friandes d’une fausse respectabilité – assurée par des groupes radicaux –, se font complices de cette abomination qu’est la censure. Mais se serait rêver. Notre indignation – quand elle existe – ne dépasse presque jamais les contours tièdes de notre confort.
Si « Causeur » ainsi condamné disparaît un jour, on le regrettera quelque temps, on déblatérera un peu, puis on oubliera. Et les censeurs continueront leur sombre besogne. C’est ainsi que la liberté meurt.