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5 décembre 2022

Radu Portocala

Une première version du livre « Ces malades qui nous gouvernent » par Pierre Accoce et Pierre Rentchnick avait été publiée dans les années ’70. Un deuxième tome fut ajouté en 1988, comprenant un chapitre sur Ceausescu.
À l’époque, j’étais correspondant du service roumain de « Voice of America » pour la France, la Belgique et la Suisse et la rédaction me demanda de faire une interview des deux auteurs. J’étais, pour une ou deux semaines, dans un village au fin fond de la Normandie, ce qui me permit d’invoquer des difficultés techniques. En réalité, je ne voulais pas de cette discussion pour la simple raison qu’avec mes amis opposants au régime de Bucarest, nous ne voulions pas « médicaliser » le cas de Ceausescu. Déclarer qu’un dictateur est fou à lier le décharge de toute responsabilité, l’innocente en quelque sorte. C’était, bien entendu, contraire à notre ligne d’attaque.
On m’expliqua, cependant, que la technique ne posait aucun problème. J’obtins les numéros de téléphone d’Accoce et Rentchnick par l’attachée de presse de leur maison d’édition et j’établis avec eux la date et l’heure de cette rencontre téléphonique.
Lorsque l’enregistrement commença, nous étions cinq sur la ligne : le studio d’enregistrement, la rédaction - les deux à Washington -, Accoce à Paris, Rentchnick en Suisse et moi dans un petit village normand. Techniquement, je trouvai ça exaltant. J’étais là, devant un poêle qui luttait vainement contre le froid humide, et j’avais trois villes au bout du fil.
À un moment donné, le technicien coupa l’enregistrement : « Please don’t smoke sir, Mr Portocala ! » Ils étaient tous d’une politesse quasi militaire. L’un d’entre eux, plus très jeune d’après la voix, et qui m’enregistrait presque tous les week-ends, me demandait systématiquement : « How is weather in Paris, sir ? »
Un peu plus d’un an après cette interview, Ceausescu était fusillé - non en tant que fou, mais en tant que dictateur. On lui reprochait, entre autres, d’avoir organisé des pénuries, d’avoir imposé des coupures de courant injustifiées, d’avoir décidé qu’il fallait qu’il fasse froid dans les maisons.
Mais pourquoi diable je pense à ça ?