Gabriel Nerciat
-7/12/2025- Grâce au fourbe Laurent Wauquiez – tellement minable qu'il n'était pas présent à la commission d'enquête parlementaire qu'il a lui-même initiée – et aux pitoyables députés LR et Renaissance qui pensaient pouvoir facilement l'acculer devant les Français, Jean-Luc Mélenchon s'est offert hier à l'Assemblée nationale un triomphe à la fois éclatant et facile.
Que s'imaginaient donc ses détracteurs de droite et de l'extrême-centre ? Qu'il allait répondre à leurs questions mal foutues avec des "Allah Akbar !" tonitruants ?
Les commissions d'enquête parlementaires, normalement, ne sont pas faites pour perdre du temps et de l'argent avec ce genre de spectacles démagogiques et foireux. Même pendant la guerre froide, on ne convoquait pas Maurice Thorez ou Jacques Duclos devant leurs pairs pour leur demander s'ils servaient les intérêts de l'URSS avant ceux de la France.
Non seulement Mélenchon, pour ce que j'en ai vu, s'est tiré assez brillamment de l'opération fomentée contre lui, mais surtout la déconfiture de ses adversaires, souvent des droitards assez pavloviens ou des ânes bâtés de la gauche laïcarde tendance "Printemps républicain", devrait faire réfléchir tous ceux qui s'imaginent qu'il suffit de brandir des accusations rituelles de séparatisme communautaire ou d'antisémitisme culturel pour pulvériser un leader islamo-gauchiste aussi habile que lui.
Désolé pour eux, mais nous ne sommes pas en Angleterre, et Mélenchon ne connaîtra manifestement pas le destin de Jeremy Corbyn.
Ces gros malins s'imaginaient le confondre en lui rappelant les propos qu'il tenait il y a dix ou quinze ans contre le voile islamique ou pour défendre le droit au blasphème façon Charlie Hebdo.
Mais le camarade Santerre (son nom de code lambertiste dans les années 1970), suffisamment expert dans l'art des joutes de loges, les attendait évidemment au tournant et s'est joué d'eux en un tournemain.
Il ne lui a fallu que quelques minutes pour expliquer avec un grand sourire que son anticléricalisme d'antan était une erreur doctrinale désuète héritée de son passé SFIO, et que son opposition voltairienne au fondamentalisme religieux n'était pas entachée par son aggiornamento diversitaire et multiculturaliste de la présente décennie.
À cela, que pouvaient répondre des élus LR, souvent francs-maçons comme lui, qui pendant des années ont inauguré en grande pompe des mosquées sunnites, parfois fréristes, dans tous les coins de France et de Navarre, ou des édiles macroniens qui ont toujours soutenu, en bons admirateurs qu'ils sont du modèle anglo-saxon, que la laïcité ne prévalait que pour l'école ou les détenteurs de l'autorité de l'État, mais devenait inopérante dès lors qu'elle se projetait au sein de la société civile où la liberté confessionnelle et d'opinion prévaut sur toute autre considération de cohésion identitaire ou de maintien de l'ordre public ?
Rien, évidemment, ou pas grand chose.
D'ailleurs, quand est-ce que Mélenchon était censé mentir ? Quand il bouffait du curé pour plaire à ses frères de loge tout en sachant très bien, en bon trotskiste infiltré, que le coeur du combat révolutionnaire ne concerne pas ou plus la religion chrétienne (la "claque donnée à sa grand-mère"), ou bien aujourd'hui quand il feint de s'émouvoir du sort des Frères musulmans persécutés et met assez facilement ses accusateurs du CRIF en face de leurs propres contradictions ?
En réalité, cela n'a aucune importance.
Un homme politique de quelque talent sait très bien qu'il faut plier ses convictions aux changements qu'impose la réalité au lieu de délaisser la réalité par fidélité à des convictions idéologiques périmées. Autant continuer de reprocher à De Gaulle d'avoir défendu l'Algérie française avant de la rendre indépendante une fois revenu au pouvoir.
Car en politique, au-delà des élections, seul demeure l'objectif qu'on veut atteindre.
Celui de la gauche radicale est de renverser le régime actuel, et il n'y a pas besoin d'avoir lu minutieusement Marx ou Trotski pour savoir que le régime républicain ("bourgeois") n'est au mieux qu'une étape périssable à atteindre puis à dépasser dans la grande aventure de la révolution internationaliste.
C'est au nom des principes du libéralisme constitutionnel que l'État libéral ne peut pas s'immiscer dans la conscience religieuse de ses citoyens. Dès lors, quelle arme brandir quand un tribun plus résolu ou plus audacieux que les autres décide de miser sur l'islamisme culturel pour accomplir ses desseins ?
En réalité, il n'y en a pas. Pour répondre à ce genre de subversions, il faut d'autres armes (qui n'entrent pas dans le champ de l'état de droit laïcard hérité de 1875-1905, encore moins dans celui de l'Europe supranationale du traité de Maastricht qui ne jure que par l'extension illimitée des droits de l'individu).
C'est parce que Mélenchon, disciple avisé du jésuitique François Mitterrand, le sait très bien, qu'il est arrivé parfaitement décontracté dans l'enceinte du Palais Bourbon, sûr de la victoire qu'il allait y remporter.
