Radu Portocala
-2/12/2025- Dans la Roumanie socialiste, la censure portait le nom euphémistique de Direction générale de la presse et des imprimés. Tout ce qui devait arriver dans une imprimerie - même les étiquettes des boîtes d’allumettes - devait obtenir l’aval de cette institution. Les quotidiens, imprimés la nuit, devaient être soumis à la Direction et lus lettre par lettre. Les revues également. Les manuscrits des livres traînaient pendant des mois sur les bureaux des censeurs qui approuvaient ou non chaque page.
Cette approbation - le droit de vie accordé à un texte - se manifestait sous la forme d’un petit tampon insignifiant connu sous le nom de « visa T ». Pourquoi « T » je ne saurais dire. Elle était apposée, comme je l’ai dit, sur chaque page d’un manuscrit, et la page qui ne l’obtenait pas devait être soit éliminée, soit remplacée et soumise de nouveau au contrôle.
Trouver un exemplaire de « visa T » n’est pas chose aisée pour la simple raison que faire sortir d’une rédaction ou d’une imprimerie une page sur laquelle elle était apposée constituait une infraction particulièrement grave. Il se trouve, cependant, que j’ai quelques exemplaires de cette chose si précieuse (et j’ai raconté ici, il y a un moment, comment j’ai pu commettre cette horreur). Je publie donc un exemple de « visa T » à l’intention des confrères journalistes qui, peut-être, demain, devront obtenir un LABEL semblable avant de publier leur prose. Cela s’appellera, qui sait ?, « visa M. »…
