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11 octobre 2022

TAXINOMIE SOMMAIRE

Gabriel Nerciat

Dans la taxinomie sommaire qu'on peut dresser à propos des militants français de l'atlantisme ou du nationalisme ukrainien (le second n'étant jamais qu'une sous-catégorie du premier), il convient, je crois, de départager deux types mentaux et psychologiques bien précis : les imbéciles et les salauds.
Les imbéciles, très souvent situés à droite ou venus de la droite du dernier XXe siècle, se reconnaissent tout de suite au vocabulaire qu'ils emploient : "bolchéviques", "stalinien", "KGBistes", etc.
Pour ces crétins, la chose est très simple : il s'agit tout simplement de la suite de la guerre froide telle que nous l'avons connue après 1948-49, avec Poutine dans le rôle de Staline, Biden dans celui de Truman ou de Reagan, Xi Jinping dans celui de Mao, Macron dans celui de Georges Bidault, etc.
Aux imbéciles, en fait, il n'y a pas grand-chose à dire, sinon l'une des répliques célèbres de Michel Audiard ou de Georgius : "Quand les cons pourront voler, tu dirigeras une escadrille ; les cons ça ose tout, c'est à ça qu'on les reconnaît, etc."
Les salauds, ou les fanatiques, sont d'une autre espèce : souvent venus de la gauche, quoique d'une gauche anti-léniniste assez critique qui peut éventuellement virer très à droite comme les néo-cons aux États-Unis, eux savent très bien que le monde qu'ils ont connu il y a quelques décennies a disparu pour de bon.
Les plus érudits d'entre eux se comparent complaisamment à Chateaubriand ou à Tocqueville : ils se rêvent en aristocrates solitaires et méprisants, qui craignent de voir ce qu'il reste de l'hégémonie américaine ou occidentale disparaître non seulement au profit de la Chine ou de la Russie mais aussi au bénéfice de nouvelles puissances qu'ils assimilent à des barbares rétifs au charme de l'universel et de l'éthique : l'Inde, la Turquie, l'Iran, l'Arabie saoudite, peut-être un jour le Japon et le Brésil, etc.
D'où le caractère à la fois désespéré et funèbre de leur fanatisme : une victoire, même partielle, de Poutine en Ukraine signifierait à leurs yeux le basculement irrésistible dans le nouveau monde complexe, hiérarchisé et multipolaire qu'ils ne veulent surtout pas voir naître - même si, au fond d'eux-mêmes, la plupart d'entre eux savent, au moins depuis les grands fiascos militaires, politiques et financiers des deux dernières décennies occidentales, que ce n'est plus en réalité qu'une question de temps.
Les salauds, ou les fanatiques, sont évidemment beaucoup plus dangereux que les imbéciles addicts à la saison Yalta 2.0.
Certains en effet préfèreraient encore l'apocalypse nucléaire ou la vitrification de Kiev et de Lvov plutôt que d'assister à la déchéance terminale de l'impérialisme américain et de son messianisme botté sur fond de multilatéralisme débordé (ce n'est pas seulement à cause de la température que les macroniens ont froid).
Les salauds étant la plupart du temps détenteurs de la citoyenneté française, il ne faut pas craindre de les comparer aux islamistes et aux salafistes nés sur le sol français.
Dans la mesure où ils sont prêts à envisager le pire, pour eux comme pour ce qui leur sert de nation, ils constituent une sorte de cinquième colonne d'autant plus redoutable qu'à l'inverse de celle de l'EI, elle est parfaitement visible et introduite dans les plus hautes sphères de l'État et de l'intelligentsia.
J'en viens même ces derniers jours à les croire devenus beaucoup plus dangereux pour l'intégrité et l'indépendance de la nation française que les islamistes.
Car les islamistes ont besoin de temps pour parfaire leur infiltration et leur colonisation en terres infidèles ; les atlantistes eux désirent précipiter le pire, pour tout de suite.