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13 juillet 2023

Breton : l’obsession de la censure

Gilles La Carbona
Secrétaire national du RPF au suivi de la vie parlementaire

À partir du 25 août, Thierry Breton le commissaire européen a annoncé que les réseaux sociaux auront l’obligation d’effacer immédiatement les « contenus haineux », ou qui appellent à la révolte.

La définition de ces deux contraintes demeure floue et ambiguë, surtout quand on sait qui aura en charge d’en fixer le cadre et les limites. Rien n’est dit sur ce que revêt le terme de haine. Est-on haineux quand on remet en cause l’efficacité des vaccins ? Ou quand on doute du bien apporté par une immigration, dont on mesure tous les jours les méfaits ? Ou même, quand on conteste une réforme de nos retraites, commandée par la commission européenne. Est-on haineux quand on se demande pourquoi nous dilapidons argent et matériel militaire pour une guerre qui ne nous concerne pas, mais dans laquelle nous pourrions être entraînés à force de provoquer frivolement la Russie ?

On se plaît à cumuler les effets, supprimer des contenus pour qu’ils n’influencent pas, mais s’ils sont réellement haineux, ou qu’ils appellent au soulèvement ne tombent-ils pas déjà sous le coup de la loi ? Pourquoi ne pas l’appliquer ici, au lieu de jouer les père Fouettard ? On cherche des solutions inédites alors qu’il suffit d’utiliser les mesures qui existent déjà. La volonté derrière cette censure est tout autre, et le prétexte est simplement là pour permettre tous les abus de pouvoir. Qui sera chargé de considérer et de sanctionner les éventuelles dérives qu’une telle possibilité donnée à un pouvoir engendrera inévitablement ? « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». Fera-t-on mentir Montesquieu ? Sans doute pas, d’autant que Breton n’a jamais caché son penchant pour le contrôle de la parole et s’il le pouvait, de la pensée. L’acharnement à purifier les réseaux sonne comme celui d’expurger de la communauté chrétienne les parjures au XVème siècle, ceux qui doutent ou simplement qui n’épousent pas les idées établies que la science remet en cause. Il faut empêcher qu’une pensée qualifiée de subversive ne vienne troubler la volonté des délires de Davos. Un contenu haineux commence et cesse où ? Tout état autoritaire a besoin de contrôler l’ensemble des médias pour s’assurer docilité et endoctrinement. Cette nouvelle croisade est menée par des fanatiques tyranniques, imbus d’eux-mêmes et pour le moment intouchables. Qui sanctionnera les éventuels abus, les extensions ou interprétations douteuses de ces fameux propos haineux ? Quant à l’appel à la révolte, où en est la frontière ? Est-ce que souligner son désaccord sur une décision de la Commission et appeler à manifester n’est pas le début de « la révolte », puisque c’est une remise en cause du pouvoir ?

On ne peut plus rien garantir de la libre expression en Europe avec des individus aussi peu fiables, ne supportant pas la contradiction, et considérant toute controverse contre leur éminent savoir, ou leur incomparable justesse de jugement, comme des crimes à leur encontre. Ne sont-ils pas les champions du monde du : « ce n’est pas de notre faute », et de désigner avec aisance les coupables, ou de s’affranchir de toute responsabilité.

Mais comment se fait-il que l’on doive user de censure pour maintenir la paix sociale, comme le suggère Breton ? La société serait-elle devenue plus haineuse, plus violente, et si oui quelles en seraient les causes ? Étrangement il n’y a pas d’analyse sur le germe, car, comme pour la macronie, cela reviendrait à faire le bilan des actions passées, et on y découvrirait la responsabilité évidente des politiques menées par les censeurs d’aujourd’hui. Plus de 30 ans de copinages politiques, de bassesses et d’entourloupes, ont exaspéré une grande partie des citoyens, contraints de choisir la violence en lieu et place d’une démocratie méconnaissable, surtout oublieuse de son principe vital, le respect du désir du peuple. Les gens ne sont pas devenus soudainement méchants, mais les politiques successives, sur l’immigration, sur le pouvoir d’achat, sur les retraites, le chômage, les libertés, rendent les peuples et les rendront encore plus vindicatifs. Lorsqu’il n’y a plus de place pour la justice et le dialogue, le soulèvement reste la seule expression possible. « La désobéissance civile devient un devoir sacré lorsque l’État devient anarchique ou corrompu. » Gandhi et d’autres avant lui ont posé les bases mêmes de l’incarnation de la liberté. Il n’est guère possible de contenir l’expression de l’exaspération par le poids de la censure. Le peuple réclame que l’on s’attaque aux causes, ce que le pouvoir refuse obstinément de faire, puisque par définition, il n’a jamais tort. À moins que ce pouvoir ne devienne fou étant donné que l’horloge est déjà en mode « compte à rebours » ?