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12 juin 2025

Jean Mizrahi
12/6/2025

Bayrou est réellement à côté de ses pompes

Le rôle des enseignants n’est pas de diagnostiquer ni de traiter les troubles psychiques des élèves. Ce n’est ni leur mission, ni leur compétence. Et ce ne sont certainement pas six heures de "formation" bricolées à la hâte qui y changeront quoi que ce soit. Dans le meilleur des cas, on peut attendre d’eux qu’ils soient des sentinelles, des lanceurs d’alerte. Mais encore faut-il que le système les écoute. Ce n’est pas le cas.
Avant de prétendre "agir", le ministre et ses soutiens pourraient commencer par se poser quelques questions élémentaires :
• Quelle est leur propre part de responsabilité, notamment dans la détresse psychologique de la jeunesse, après deux années de restrictions brutales imposées durant le Covid – périodes d’enfermement, d’isolement, d’angoisse, dont les conséquences sont encore niées ou minimisées.
• Pourquoi l’Éducation nationale fonctionne-t-elle avec un ratio de psychologues scolaires digne d’un pays en crise, soit environ un psychologue pour 1500 élèves, quand les pays d’Europe du Nord en comptent un pour 500 ? Faut-il vraiment feindre de s’étonner que tant de jeunes décrochent ou sombrent ?
• Pourquoi les parents sont-ils si peu associés à la réflexion pédagogique ? En les maintenant à la périphérie, l’école se prive d’un levier essentiel pour détecter précocement les fragilités familiales, sociales ou affectives. Un rejet que l’on habille de grands principes, mais qui traduit surtout une gestion technocratique de la relation éducative.
• Et surtout : pourquoi l’enseignant qui s’inquiète, qui signale, n’est-il pas entendu ? J’en parle d’expérience : après avoir alerté les responsables d’un établissement sur l’état inquiétant d’un élève, je n’ai reçu ni réponse, ni retour, ni suivi. Le silence comme seule politique.
Il y a là un schéma bien rodé : celui d’une classe politique française incapable de prévenir, incapable de penser en amont. Elle ne sait que réagir, tardivement, maladroitement, sous le coup de l’émotion médiatique. « Gouverner, c’est prévoir » disait l’adage. Ici, on se contente de colmater. Mal.